GESTATION
« Nous sommes les fils d’un Avenir plus merveilleux qui est déjà là, et par notre cri de confiance, il jaillira sous nos yeux, balayant toute cette vieille mécanique comme un rêve irréel, un cauchemar du mental, une vieille outre qui n’a pas plus d’air que celui que nous voulons encore lui prêter ».
Satprem, La genèse du surhomme, 1970
Le nom de notre association ne doit rien au hasard.
Il pointe précisément le défi auquel nous confronte l’Esprit du temps, à savoir notre participation balbutiante à la naissance d’une nouvelle conscience.
Car une nouvelle conscience cherche à naitre, la conscience imaginative, et c’est là un fait irréversible.
Un nouveau mode de connaissance, de l’homme et du monde, auquel devra se hisser une part suffisante de l’humanité sous peine de mourir étouffée sous les assauts constants du matérialisme, du positivisme, du transhumanisme, de l’identité numérique et de toutes les fausses révolutions censées nous construire un avenir sécurisé, radieux, et très surveillé.
Non plus la conscience imagée des temps mythiques, proche du rêve, privée de réelle liberté, où la volonté des dieux s’imposait à l’homme.
Il aura fallu nous en émanciper pour un penser abstrait d’entendement tourné vers les phénomènes extérieurs et la connaissance nécessaire de la nature, où la responsabilité de nos pensées et de nos actes nous revient frontalement, mais au risque de l’oubli, de la négation même, du monde suprasensible et de nos racines spirituelles. Un penser fondamentalement agnostique.
Si l’émancipation a toujours un prix, ce dernier peut s’avérer très élevé car ce penser matérialiste n’est qu’une étape sur la voie d’évolution ouverte à la connaissance humaine. Confondre ainsi l’étape et le but peut engendrer d’infinies souffrances.
Comprendre l’effort demandé nous est nécessaire ainsi que les enjeux de tout ce processus si nous considérons, évidemment, que c’est bien la conscience et non la vie ou les formes qui constitue le point central du principe évolutif.
Nous pouvons élaborer des images sur des niveaux très différents les uns des autres.
Les images des représentations, des souvenirs, des rêves, des visions, des hallucinations, de l’imaginaire ou de la fantaisie font toutes référence à une activité créatrice de l’âme formatrice d’images en lien avec la perception sensorielle et donc l’organisation corporelle de l’homme[1]. L’homme est, par le corps, entendons ses 5 sens, ouvert et relié à ce qui l’environne.
L’imagination vraie, elle, témoigne d’une libération de ce rapport tourné vers l’extérieur au profit d’une réinvention du corps même. L’âme, comme libérée du corps dont nous sommes coutumiers et des perceptions physiques que ce dernier procure, se tourne vers l’intérieur et découvre une anatomie subtile. Elle s’éveille et accède à des perceptions suprasensibles qui l’éclairent sur la conduite de la vie qu’elle doit mener sur terre. Un nouveau lien est établi, non plus horizontal, entre le dehors et le dedans, mais vertical, entre le haut et le bas, le ciel et la terre.
Nous voilà convoqués à un penser imaginatif, un penser renforcé clair et pénétrant, issu d’un éveil supérieur des forces d’âme pour une autre forme de connaissance ; un penser issu du juste développement de l’âme de conscience.
Un penser comme un tout nouveau centre de gravité, libre, et fondé cette fois sur l’activité d’un JE pleinement présent, comme inséré dans l’ensemble des forces créatrices du monde.
Si le penser d’entendement demeure sous la tutelle de l’obscurité et de l’ignorance (que l’on songe simplement à toutes les crises que nous traversons, continuellement et jusqu’à l’épuisement), le penser imaginatif, lui, renonce au divorce d’avec son origine lumineuse et assume sa qualité d’instrument d’une Conscience de Vérité, capable de saisir objectivement le réel[2].
Alors tout peut changer, tant pour l’individu que pour le tissu social dans lequel il évolue et pour l’avenir de la planète qui nous abrite.
Mais comment nous préparer à une telle mutation?
Les propositions faites au sein de l’association s’inscrivent, en cette aurore naissante, dans ce questionnement.
-Les mythes, contes et légendes sont imprégnés d’Imaginations. Ils nous donnent des Images de l’âme en son processus de construction comme en son essence ainsi que de précieuses indications sur l’anatomie occulte de l’homme.
-L’art authentique est comme un pont jeté entre les mondes sensible et suprasensible. Par la force du sentiment et le sens du Beau, il lève le voile sur les forces imaginatives entravées au sein de la matière reconnue comme une forme de l’Esprit, même si pour le moment cette forme dissimule l’Esprit.
-L’étude dirigée de grands textes philosophiques nous pousse par l’effort demandé d’assimilation des concepts présentés à ce penser renforcé et aiguisé, pénétré des forces nécessaires à son propre dépassement.
-Un autre regard sur le corps est tout aussi indispensable pour tenter de saisir l’action des forces imaginatives à l’origine de son élaboration, de ses forces de croissance et de santé ; forces omniprésentes avec lesquelles nous sommes appelés à nous synchroniser et à collaborer artistiquement.
Comme toutes les naissances, celle de la conscience imaginative vivante et créatrice rencontre de puissantes forces d’opposition à confronter individuellement et collectivement. Nous côtoyons aujourd’hui de profonds abîmes culturels dont elle seule nous préservera par ses capacités à nous rouvrir à la Sagesse spirituelle.
De glorieux ainés nous ont précédé ; leurs témoignages, leurs œuvres, agissent tel un baume apaisant qui nous réconforte et nous guide face à l’état actuel du monde.
Luc TOUBIANA
[1] Mario Betti, La naissance de la conscience imaginative, Ed. Triades, 2016[2] Sri Aurobindo, La manifestation supramentale sur la terre, Ed. Buchet/Chastel, 1950