CHAGALLE ET LA CHUTE DE L’ANGE

7 Et il y eut guerre dans le ciel. Michel et ses anges combattirent contre le dragon.
Et le dragon et ses anges combattirent,

8 mais ils ne furent pas les plus forts, et leur place ne fut plus trouvée dans le ciel.

9 Et il fut précipité, le grand dragon, le serpent ancien, appelé le diable et Satan,
celui qui séduit toute la terre, il fut précipité sur la terre, et ses anges furent précipités avec lui.

10 Et j’entendis dans le ciel une voix forte qui disait: Maintenant le salut est arrivé,
et la puissance, et le règne de notre Dieu, et l’autorité de son Christ; car il a été précipité,
l’accusateur de nos frères, celui qui les accusait devant notre Dieu jour et nuit.

11 Ils l’ont vaincu à cause du sang de l’agneau et à cause de la parole de leur témoignage,
et ils n’ont pas aimé leur vie jusqu’à craindre la mort.

12 C’est pourquoi réjouissez-vous, cieux, et vous qui habitez dans les cieux.
Malheur à la terre et à la mer! car le diable est descendu vers vous,
animé d’une grande colère, sachant qu’il a peu de temps.

Apocalypse de Jean, 12, 7-12. (Trad. L.Segond).

La réalité d’une lutte qui s’origine sur les plans spirituels et qui descend sur le plan terrestre pour entrer, comme par effraction, dans l’histoire humaine.

L’Ange de Chagall est entièrement vêtu de rouge.
Cette même couleur sera celle de Méphistophélès dans les représentations de la première partie du Faust de Goethe.
Encadrant cette chute céleste, comme pour la contenir, sont deux figures :
Celle d’un homme pieux fuyant la scène, en serrant contre sa poitrine les rouleaux qui lui sont sacrés, pour les mettre à l’abri du tumulte annoncé et préserver la mémoire inscrite sur le précieux parchemin.
Celle du Crucifié dans le Mystère de son sacrifice d’Amour, comme une réponse définitive.
La lutte engagée par l’Archange Saint Michel et ses légions a inspiré bien des artistes, toutes disciplines confondues. Sur le plan musical, la production d’œuvres dédiées au combat michaëlique reste imposante. Marc-Antoine Charpentier, Dietrich Buxtehude, Palestrina et, bien sûr, Jean-Sébastien Bach. Ce dernier consacre à l’archange pas moins de trois cantates, en 1724, 1726 et 1728.
Bach adopte la conception théologique luthérienne qui, à son époque, tendait à représenter les anges non pas sous un aspect féminin mais comme des guerriers en lutte contre Satan et les forces du mal. Ceci explique le caractère exceptionnel, quasi-militaire, de l’appareil instrumental utilisé.

Quel lien pouvons-nous intuiter entre ce combat apocalyptique, la révélation qu’il suppose, et les différentes crises que nous traversons ?
Il nous faut apprendre à lire et analyser l’histoire humaine à l’aune des évènements spirituels qui l’ont précédée et générée.
Autrement dit, il nous faut, pour lever le voile d’obscurité qui assombrit notre monde, relier notre actualité au processus spirituel qui lui est sous-jacent. Seule cette démarche peut s’avérer féconde.
Les artistes n’ont cessé de nous alerter. Leur pied foule le monde suprasensible qui en retour les inspire. Leurs gestes créateurs et les formes qui en émanent préfigurent la route évolutive que nous devrons tous emprunter.
Dans cet océan de mensonges qu’est devenu notre quotidien, les artistes nous poussent au discernement auquel l’humanité, pour continuer d’évoluer, est si douloureusement confrontée.
Leurs œuvres sont autant d’occasions de réflexions qu’ils nous offrent afin que nous puissions, en toute cohérence, choisir notre camp, porter les couleurs de la cause en laquelle notre âme se reconnaît et faire éclore les harmonies du futur.

Luc TOUBIANA