De l’art comme expérience du dévoilement
“… il ne voyait que des riens sans consistance, mais maintenant plus près de la réalité et tourné vers des objets plus réels, il voit juste…”
Platon, La République, Livre VII

Freud soulignait la fin d’une illusion. Dieu était mort. Mais l’égo, drapé de sa tunique de faux roi, s’est imposé comme nouvelle illusion, entraînant avec lui une nouvelle tyrannie.

Est-il possible d’y échapper ? Si oui, comment ?

L’art et la culture ont-ils un rôle particulier à jouer ?

Kant, en philosophie, et Freud, avec la psychanalyse, ont réinventé le sujet. Ils l’ont arraché à l’illusion dans laquelle il pouvait être de lui-même ainsi qu’aux illusions qui pouvaient être les siennes. Le mythe d’Œdipe que l’ignorance pousse au parricide et à l’inceste, au-delà de son complexe, donne à voir cet arrachement ainsi que le retournement qu’il induit. L’expérience de l’art peut-elle pareillement nous permettre de lever le voile sur nous-mêmes ? de nous connaître ?

L’art, rappelons-le, relève d’une aventure toujours individuelle et solitaire. L’artiste est seul face à l’impératif de sa création. Le spectateur, seul face à l’œuvre qu’il doit recréer s’il veut faire acte de sujet, c’est-à-dire s’arracher précisément à l’illusion à laquelle, au départ, il est invité à participer… illusion esthétique, culturelle, commerciale, sociale… tout est à vérifier, c’est-à-dire à faire passer au tamis de sa propre sensibilité, de son propre jugement. Il en va des valeurs mêmes sur lesquelles s’érigent non seulement l’individu mais encore la civilisation.

Nos rendez-vous ont donc pour visée de nous offrir les moyens d’exercer notre fonction critique, sans laquelle il ne saurait être de liberté, en nous confrontant à des œuvres d’art et de pensée susceptibles de faire culture. De même que le prisonnier délivré de la Caverne de Platon y retourne afin de transmettre aux autres son expérience, nos exercices spirituels supposent un temps pour l’ascension individuelle et un autre pour le partage et l’accueil de nos différences.

A la question « qui suis-je ? » il est impossible de répondre directement. Le sujet ne peut se connaître objectivement. C’est alors en effet qu’il se leurre. Il est contraint de faire l’expérience de sa subjectivité au contact d’autres subjectivités. Le dialogue, qui ne passe pas forcément par des mots, est la condition sine qua non de sa croissance. Il l’oblige à plonger dans ce qui le divise et lui permet de s’éveiller à son corps vivant de même qu’à la puissance de son âme.