Tout est accompli

de Yannick Haenel

François Meyronnis

et Valentin Retz

« Les transhumanistes pensent toujours dans le sillage des Temps modernes. Laissant les morts de côté, comme s’il comptaient pour rien, ils ne s’intéressent qu’à ceux qui ont l’air d’être vivants. Mais, à travers le Dispositif, ces vivants ne sont destinés qu’à se transformer en zombis, enfournés dans un monde de plus en plus spectral. Tout l’inverse d’une société humaine qui implique toujours un rapport entre vivants et morts – ce que la tradition catholique nomme la « Communion des saints ». Or, entrer dans le Royaume, n’est-ce pas justement apprendre à devenir citoyen des saints? » (p.327)

Nous avons été sensibles à ce livre paru au printemps chez Grasset.

Il y a en effet urgence à cesser de lutter contre nos prisons car c’est alors que nous en érigeons le plus sûrement les murs.

Nous devons prendre conscience du mal, de ce qui, en nous comme hors de nous, fait obstacle et désire plutôt que la réconciliation la destruction. La haine fait ravage. Inutile de faire comme si des hommes et des femmes, par centaines, ne mourraient pas en Méditerranée. Inutile de faire comme si, pour l’enrichissement d’un seul, des milliers, que dis-je des millions, d’autres n’étaient pas asservis.

Bien sûr, nous pouvons choisir d’aimer nos prisons, faire comme si la vie était simplement belle et répéter à qui mieux mieux que nous n’avons jamais connu un tel confort, que nous n’avons jamais vécu aussi longtemps etc. Tout cela est vrai, aussi. Mais la haine demeure. Et la peur.

Nos dénis sont autant de frontières que nous érigeons entre nous et les autres.

Aussi pouvons-nous également choisir de lutter en apprenant à vouloir l’exact opposé de ce qui en nous s’oppose à la vie.

Vouloir ce que la maladie et le mal ne sont pas, telle est notre tâche.

C’est à ce travail que, selon leur logique thérapeutique, nous invitent l’ostéopathie et l’homéopathie. C’est de cette façon qu’elles renforcent le sujet, entendons le Je. Et la raison pour laquelle il a été récemment choisi d’écarter l’homéopathie, tout en avançant, officiellement, des motifs plus spécieux les uns que les autres.

Il serait bien vain  de se contenter d’incriminer, dans cette affaire, quelque lobby ou quelque potentat… Il s’agit de considérer notre effroi devant ce qui pourtant constitue notre grandeur.

Nous sommes LIBRES, fondamentalement libres, et persistons cependant à le nier. Notre activisme se nourrit de cette négation. Nous fabriquons et commercialisons toutes sortes de choses pour tenter de freiner notre chute et de juguler notre angoisse. Il suffirait de réaliser que nous ne pouvons pas tomber, que l’indemne nous tient, qu’en lui nous reposons… qu’il est là le passage, dans cette assurance que « tout est accompli ». Que non seulement, comme le soulignent Yannick Haenel, François Meyronnis et Valentin Retz, le Royaume n’est pas hors d’atteinte mais qu’encore il est ce qui en nous accomplit la promesse, pour chacun, d’un devenir singulier en même temps que relié à autrui.

Il est urgent de prendre conscience que nous sommes saufs.

Tous nos actes pourraient alors manifester notre reconnaissance pour cette grandeur, ce LIBRE qui nous donne corps.

Luc Toubiana
Camille Laura Villet