Le samedi 4 juillet 2020 s’est tenue l’Assemblée Générale Ordinaire de Khôra Imagination. A cette occasion Camille Laura VILLET est intervenue pour rappeler et préciser l’intention portée par l’association. L’intégralité de son intervention est reproduite ci-dessous.
Je voudrais revenir sur Khôra…
Lorsque je me suis lancée dans la création de ce qui est devenue en 2018 notre association Khôra Imagination, je voulais recréer, sans savoir très bien comment m’y prendre, les conditions d’un partage, en fait d’un tissage dont j’avais commencé à expérimenter les bienfaits au Centre Pompidou entre 2012 et 2014.
Khôra s’est imposé à moi, je veux dire comme nom.
Et tout le monde me disait… mais ça veut dire quoi ? Et qu’est-ce que tu veux faire ?
Je répondais : je veux que les humains s’entendent… un lieu où l’on s’entende.
J’ai créé à un siteweb. Khôra était déjà pris… alors j’ai fait ajouter « imagination »… Et lorsque nous avons fondé l’association, avec Luc, nous avons décidé des deux termes, ensemble.
Pour préciser…
Mais préciser quoi ?
L’imagination créatrice correspond à un éveil (une intensification) de la mémoire. Un rappel à soi-même. Plus on approche, plus on brûle… et plus la pulsion se précise.
J’ai commencé ma vie d’adulte en envoyant promener le quotidien, je veux dire les études que j’étais destinée à faire : hypokhâgne, khâgne et, avec un peu de boulot et de chance, normal sup… j’ai fait du théâtre, de l’anglais… me défaire du monde.
Et puis j’ai rencontré le travail d’un peintre qui prônait le ni ceci ni cela… et qui avait fait partie d’un groupe intitulé JANAPA pour je n’ai ni père ni mère. J’aimais bien cette idée de détachement, d’être plantée ailleurs, dans le ciel, de voler.
Khôra spontanément était pour moi le ciel des intelligibles, en dépit de la connaissance que j’avais de la notion. Khôra m’était un idéal.
Il faut se méfier des idéaux. De ce que nous voulons êtres, de ce à quoi, de ceux à qui nous nous raccrochons… ils masquent souvent des peurs. Khôra, dans un premier temps, reflétait ce que je ne voulais pas voir de la réalité, ce que je ne voulais pas assumer de mon histoire… allez disons le mot : mon angoisse de la castration !
Il m’a fallu ces dernières années pour comprendre ce qui n’était jusqu’alors que mental. Khôra implique la défaite de toute idéalité en vue de son accomplissement. Cet accomplissement est une autre manière de parler de la spiritualisation de la matière.
L’idée doit germer, croître et porter des fruits.
Nous vivons une époque qui a tué le travail, en tuant les métiers, c’est-à-dire le lieu où le sujet a prise avec la matière, le lieu où il éprouve sa prison et donc, aussi, le lieu de sa libération.
Pas de libération sans contrainte.
Il ne s’agit pas de sortir mais d’entrer et de transformer.
Nous devons restaurer les métiers. Là où l’être humain agit, l’être humain découvre, déploie et intensifie une force qui est vie. Il développe une maîtrise qui n’est pas de l’ordre d’une domination mais de la conscience. Il s’agit d’une écoute. L’écoute est toujours de l’Autre. Elle a quelque chose à voir avec le désir, avec le négatif. Il s’agit d’une attention, d’une vigilance, d’une ouverture… D’un oubli de soi, en vue de l’autre…
Nous n’arrêtons pas de traverser des images, des miroirs… pour activer notre pouvoir de fabriquer de la beauté. Plus vous traversez, plus vous êtes beaux.
Notre stage, en août, avec Gaia SAITTA, sera justement sur les passages.
Je ne sais pas ce qu’elle va tricoter.
Parlez-en autour de vous.
Lancer des fils… certains accrocheront, d’autres pas… Tisser, détisser, retisser… Vivez.
Khôra est un lieu de tissage et de détissage au sein duquel chacun devrait pouvoir au contact des autres perfectionner son métier, le talent qu’il met au service des autres, c’est-à-dire lui-même. Chaque résonance, retour, rebond est l’occasion d’un approfondissement de son être, d’une découverte de son âme, un pas supplémentaire vers son lieu.
J’aimerais que Khôra, avec le temps, devienne ce lieu extrêmement précis, parce que nous y serons très exigeants, sur le plan éthique, envers nous-mêmes, et en même temps très ouverts, à même d’intégrer une immense altérité. Pas de peur que l’on ne surmonte.
Vous l’avez compris, ce n’est pas une école. C’est un lieu d’expérience, de partage… de conscience. De générosité. De prises de risques aussi. Un lieu à édifier. Il ne préexiste pas aux actions que nous mènerons pour qu’il soit. Un jour, nous entrerons en résonance avec les étoiles pour offrir un miroir au cosmos.
Camille Laura VILLET, fondatrice de Khôra Imagination